Rencontres d'artistes.
Chaque semaine, je rencontre un artiste et vous fais découvrir son univers!
Voici Cécile Meynier. C’ est la première artiste à avoir exposé dans la Caravane de Pigeons & hirondelles du 8 décembre 2018 au 16 février 2019. Son travail s’inscrit dans le paysage et offre de dialoguer avec le lieu dans lequel il intervient. Lors d’une résidence d’artiste financée par Canal Satellite / Art contemporain, l’artiste à crée une installation en rapport avec le territoire de Migennes. Cécile a accepté de répondre à quelques questions, au lendemain du finissage de son exposition « Bellevue » dans les ateliers de Canal Satellite / Art contemporain ainsi que dans la Caravane…
Crédits photographiques : ©NicolasWaltefaugle
”L’art est ce qui doit nous faire décrocher du réel imposé par la société.
Cécile MeynierArtiste sculpteure
– Quelle est la dernière expo ou découverte artistique que tu as trouvé inspirante?
Et bien je vais donner deux noms pour deux découvertes ce mois-ci, l’une physique au CRAC le 19 à Montbéliard d’Isa Melsheimer. Artiste femme sculpteure (née en 1970 je crois) qui associe béton, céramique, végétaux et vidéo pour donner lieu à des installations empruntes à la fois d’austérité, de minimalisme et d’étrangeté. L’autre, virtuelle, de Cédric Esturillo (né en 1988) jeune lyonnais qui pratique également la sculpture et l’installation de manière éclatante et complètement éclectique …
– Quel artiste as-tu le plus fait découvrir autours de toi ? pourquoi ?
Je n’aime pas trop me cantonner à un artiste ou à une référence précise mais plutôt à des mouvements, des périodes, en tout cas à des esthétiques qui me parlent… Je tiens à avoir une vision hyper globale de l’art et donc de la création. Les premiers gestes des hommes préhistoriques me touchent autant que ceux de mes pairs.
Et puis je n’enseigne pas (ou plus pour le moment en tout cas), n’écris pas, du coup je n’ai pas forcément l’occasion d’être dans cette position de transmission…
– Quels sont les artistes qui ont influencé ta manière de penser et de créer?
Comme dit précédemment je ne suis ni dans la référence ni dans la citation dans mon travail même si celui-ci joue avec beaucoup de codes esthétiques appartenant à des grandes périodes ou familles telles que le baroque, le minimalisme, l’architecture, le paysage mais que je vais imbriquer et croiser… Je mime, je singe quelques genres que je vais remixer ensuite. Cet acte est très ironique sur le regard que je porte sur l’histoire de l’art mais pas que. Cela me questionne beaucoup, lorsque je suis à l’atelier, cette notion d’appartenance à un groupe, à une famille esthétique, sociale, au genre, à un peuple… J’ai vraiment envie d’une vision globale, d’être souple dans la pensée dans un souci de liberté totale, et c’est là que c’est très difficile, car évidemment, on ne peut renier quelques influences ou aspirations, même si, je pense clairement que l’on doit se soustraire à cet héroïsation de nos pères cette fois-ci! (À lire à ce sujet un article d’Hubert Besacier paru dans la revue Hors d’œuvre n°42 de cette saison intitulé « Petit couplet positiviste »).
– Quels sont les mauvais conseils que tu as reçus en école ou au début de ta carrière?
Drôle de question que celle-ci ! On m’a clairement conseillé de partir de Besançon, d’aller dans des grandes villes. Je n’ai pas suivi ce conseil, je ne sais pas s’il est bon ou mauvais. Au fond de moi je sais que j’ai choisi de rester peut-être par facilité au début mais dans le temps ça s’avère être davantage de la résistance. J’ai fait le choix des sentiers crottés plutôt que de l’autoroute et de ne pas déserter !
– Quel conseil donnerais-tu a un étudiant qui veux lancer sa carrière artistique?
De bouger de Bourgogne Franche-Comté ahah!!! Non je lui conseillerais de ne rien lâcher et d’être endurant, vaille que vaille car l’excitation de la création, le bonheur que cela procure, en valent la peine mais aussi et surtout car la société a besoin d’art et d’artistes même si nous sommes parfois malmenés par celle-ci.
– Que fais-tu quand tu es bloquée, que tu doute de ton travail (ou bien, quelles questions te poses-tu?)?
Oui bien sûr il m’arrive d’avoir du mal à mettre la machine en route, avec cette pénible sensation de pinailler, de tourner autour du pot… Je pense clairement que cela fait partie du travail et de la création, ces périodes de jachères sont importantes, comme en agriculture. Pendant ce temps l’esprit navigue, cherche, et est sans doute beaucoup plus disponible et ouvert qu’en pleine action.
– De quelle manière un échec (ou prétendu échec) t’a préparé à une réussite ultérieure?
Je n’ai pas vraiment l’impression d’avoir été réellement confrontée à un échec mais à des contraintes certes.
Ma position est de prendre la contrainte comme un atout potentiel, un moyen de sortir de son confort et d’accéder à un système auquel nous n’aurions pas pensé. Mes premières installations étaient intitulées « Dérapage n°x », c’était une première phase de travail où je m’interrogeais sur des questions fondamentales de l’art, le dérapage était une sorte de réponse à cela : provoquer du déraillement, sortir du système imposé par la société, proposer une autre réalité… À l’époque j’aimais bien Paul Virilio et sa théorie de l’accident où seuls les artistes pouvaient s’en emparer de manière constructive (voir l’expo « Ce qui arrive », 2002 Fondation Cartier).
Aujourd’hui je n’aborde plus aussi explicitement cette notion d’accident et de dérapage mais cela ne change en rien au fait que la vie soit bourrée de contraintes et la création davantage, aussi, pour éviter de courir à l’échec il faut savoir les déjouer et s’en emparer pour accéder à quelque chose de nouveau, teinté d’inattendu et qui a la faculté de s’adapter (la souplesse dont je parlais plus haut)…
– As-tu une curieuse habitude ou une chose inhabituelle que tu adore (ou bien y a t’il quelque chose d’un peu fou dont tu es seule à être convaincue)?
Que tremper du Comté dans du Nutella est un délice (sauf que je m’interdis d’acheter ce dernier maintenant…).
– Aujourd’hui, quelle serait ta définition de l’art?
L’art est ce qui doit nous faire décrocher du réel imposé par la société, ce qui doit nous faire sortir des rails et accéder au dérapage !!!
– Si tu devais expliquer ton travail a des enfants de 4 ans, que dirais-tu?
Je leur dirais que tout ce qui nous entoure peut devenir une sculpture ou une œuvre. Qu’il faut apprendre à bien regarder notre environnement et que l’on peut créer de drôles de tableaux tout le temps et partout. Faire des petites installations ou de micro paysages en faisant se rencontrer un jouet avec un stylo un caillou et une fleur par exemple… Tout ce qu’ils savent très bien faire en somme sans forcément chercher de sens ou d’explication et surtout qu’ils ne doivent pas oublier en grandissant !
– Y a t’il une question que tu aurais aimé que je te pose? Peux-tu y répondre?
On m’a posé une fois cette question qui m’a permis de faire un peu d’introspection et qui m’a éclairé dans mes choix : Quel est ton premier geste artistique?
Après avoir fouillé dans ma mémoire je me suis souvenu trois actes : celui d’avoir fait un grand dessin avec du charbon sur la façade du garage Renault qui donnait sur la cour de mon immeuble, de même avec du jus de cerises noires sur la façade jaune pâle de l’immeuble et d’avoir gravé aux ciseaux une vieille farinière chez mes parents (meuble rustique) pour révéler le hibou que je voyais à travers les veines du bois. Évidemment, aucune de ses actions n’a reçu d’encouragements, au contraire… mais je suis clairement convaincue qu’à ce moment déjà je ne pouvais me contenter de ce qui était et que j’avais besoin d’agir sur mon environnement.
Cécile Meynier
L’atelier de Cécile se trouve à Besançon. C’est un lieu d’exposition et d’expérimentations.
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